Par dessus bord vous ouvre les coulisses de sa nouvelle création
(dissection théâtrale)
Écriture et mise en scène
Aude Denis
Production
Compagnie Par dessus bord
Co-production
Le Bateau Feu – scène nationale Dunkerque
Le Vivat – scène conventionnée Armentières
Soutien à la création
DRAC et Région Hauts-de-France
Création février 2022
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le monstre
À l'intérieur est un projet théâtral singulier dans mon parcours. Il a pour commencement une recherche menée en avril 2019 lors d'une résidence au Bateau Feu, scène nationale de Dunkerque. Il se situe aussi dans le prolongement de l'avant dernière création de la compagnie : Le Dragon d'or de Roland Schimmelpfennig. Progressivement, lors des répétitions du Dragon d'or, l'homonymie inscrite dans le titre même du spectacle (le dragon d'or – le dragon dort) s'est révélée à nous. Au fur et à mesure des répétitions, j'ai compris que je ne faisais pas seulement un spectacle sur la question de l'altérité mais aussi sur le dragon endormi en nous. Sur ce dragon, ce monstre que nous étouffons, calmons, étourdissons en nous. Ce monstre qu'il ne convient pas de réveiller. Mais qu'il convient d'interroger. Avec Le Dragon d'or j'étais en fait déjà sur la route du monstrueux. Aude Denis
les créateurs
Mise en scène, Écriture Aude Denis
Scénographie Johanne Huysman
Lumière Annie Leuridan
Musique Usmar
Jeu Lionel Bègue, Olivier Brabant, Nicolas Cornille, Gaëlle Fraysse, Florence Masure
Pour le projet À l'intérieur, j'ai rassemblé un groupe pluriel de créateurs : des acteurs, un danseur, une plasticienne-scénographe, un musicien, une créatrice lumière. Il s’agit de confronter au plateau la polyphonie de leurs pensées, de leurs présences, de leurs énergies. Et de mettre en jeu, de mettre en mouvement la polyphonie de leurs voix pour qu’elle fasse sens. Nous avons commencé par plusieurs périodes de recherche théâtrale au plateau, avec des improvisations avec ou sans objets. À ces périodes de travail collectives s’ajoutent des temps d’écriture hors plateau (construction dramaturgique et écriture textuelle).
Pour alimenter, enrichir ce processus de création, nous accumulons aussi des sources et ressources diverses, interrogeant la figure du monstre : des articles de journaux, des essais philosophiques, des documents historiques, des références littéraires, cinématographiques ou mythologiques, des contes. Afin de confronter des points de vues différents : philosophique, psychologique, historique, juridique, spirituel, scientifique. Pour qu’aux côtés des apports littéraires voire fantastiques, le réel fasse irruption.
la recherche
Nous sommes fin février 2021, pour la deuxième fois nous avons creusé la question du monstre en nous, de notre part d'ombre : nous sortons de 2 semaines de répétition au Bateau Feu, ce qui fait 4 semaines de travail à notre actif. Il nous en reste 6. Les semaines que nous avons traversées nous ont permis de confirmer (ou infirmer) des pistes de travail.
Des moments où seuls les corps des acteurs-danseurs sont en jeu. Des moments sur l'animalité, la métamorphose, la reptation. Des moments sur ce qui sourd de nous. Sur ce que nous réprimons ou étouffons. Des moments de suspension, de vide, de sidération, d'attraction et de répulsion, de dégoût face aux ombres qui nous habitent. Des paysages d'objets, des essais sur comment les espaces se construisent et se déconstruisent au plateau. Comment des images s'inventent grâce à de simples objets. Comment des sens aussi affleurent en juxtaposant, déplaçant, entassant un matelas, une table, des clefs, une porte, une baignoire, des boîtes en plastique, une plante verte, des carrelages, des feuilles mortes...
Nous avons aussi éprouvé 5 trames narratives. 5 fictions mettant en scène différentes figures du monstre. 5 fictions réfléchissant (sur) cette question vertigineuse, plurielle, insondable. 5 narrations (si l'on veut) morcelées et qui se croiseront entre elles. Que l'on tissera aussi avec les éléments non-fictionnels, non textuels.
Chaque trame est composée de plusieurs scènes. Mais ces scènes ne répondent pas à une construction chronologique (avant, pendant, après) ni logique (de cause à effet, une scène en entraînant une autre). La construction de chaque trame est volontairement morcelée. Il y a des ellipses, des impasses, des réitérations. Il n'y a pas une scène puis une autre puis une autre. Mais plutôt une scène ou une autre, ou une autre, ou une autre. Chaque trame propose des possibles, des variations. Comme si l'on ne pouvait pas réellement dire le monstre, mais simplement le suggérer.
Nous avons pensé à une construction de l'ensemble de ces matériaux. Une construction faite de glissements. D'une trame à l'autre, d'un type de matériau à un autre. Comme si l'on s'enfonçait dans des sables mouvants, dans les eaux d'un marais, dans un mauvais rêve.
Nous avons travaillé aussi, beaucoup, sur le cauchemar. Parce que le monstre hante nos rêves les plus sombres. Il s'installe, la nuit, dans notre lit, derrière la porte, dans nos songes, dans nos viscères, dans nos intérieurs.
Battle de monstres. Qui est le plus monstrueux ? Duch le tortionnaire Cambodgien ou Issei Sagawa, le japonais cannibale ? Michel Fourniret l'ogre des Ardennes ou Lynndie England la militaire américaine d'Abou Graib ? Ou alors Tony Meilhon ?
4.5 (trame 4 - variation 5)
L'homme : Qu'est-ce qu'on va faire de ça ?
La femme : J'aimerais...
L'homme : Quoi.
La femme : Si ça pouvait disparaître.
L'homme : Ça ne peut pas disparaître.
La femme : Si on ouvrait la porte ? Elle pourrait s'enfuir et disparaître.
L'homme : Tu crois ? On peut faire ça ?
La femme : Si on ouvrait la porte, peut-être qu'une voiture passerait. Ce serait fini tu comprends.
L'homme : Non. Personne ne doit savoir.
La femme : Il faudra bien qu'elle sorte. Qu'elle quitte sa chambre. Qu'elle nous quitte. Qu'elle aille à l'école.
L'homme : Non. Elle ne peut pas sortir d'ici.
La femme : Laissons la sortir. Je suis fatiguée, tu comprends ?
L'homme : Mais les gens vont savoir. Ils vont la voir. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Quand ils vont voir ses gestes. Quand ils vont entendre sa voix. Qu'est-ce qu'ils vont dire ? Et son rire. Tu as pensé à son rire ? Je ne veux pas être le père de ça.
impressions
de plateau
Ils sont 5. Ils regardent la scène vide. L'un d'entre eux vient poser un matelas, presqu'au centre de la scène. Un autre y ajoute quelques feuilles mortes. Un autre des vieux mouchoirs en papier. Une lampe aussi. Le dernier y ajoute un rouleau de grillage. Le matelas disparaît. Une baignoire le remplace. Les images se construisent et se déconstruisent sous nos yeux. Elles glissent et se superposent. Une forêt entre dans la cuisine. Une tempête se lève dans la salle de bains.
Ils sont 5. Non, ils sont 4 contre 1. Les 4 ont attrapé un monstre pour l'ouvrir. Pour voir à l'intérieur. Il se débat. On le maintient. On s'équipe. On s'outille. Il crie. Ce n'est pas grave. On l'assomme. On l'ouvre. Ce n'est pas facile. Ça résiste. On ouvre la peau. Ça s'écarte. Il leur donne du fil à retordre ce monstre. Ils regardent à l'intérieur. C'est vraiment dégueulasse à l'intérieur. Ça n'aurait même pas le droit d'exister un truc pareil. Un truc aussi dégoûtant. Un truc aussi différent. C'est vrai quoi. Qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir faire de ça ?
1.6 (trame 1 – variation 6)
Une maison à l'orée d'une forêt. Un homme est sur le seuil de sa porte. Il est en train de balayer. Ou de sortir les poubelles. Une femme arrive. Elle a l'air fatiguée. Elle a froid peut-être.
L'homme : Vous êtes perdue ? Entrez.
La femme : Je ne voudrais pas.
L'homme : Vous êtes perdue non ? Entrez, ne soyez pas bête. Vous serez mieux à l'intérieur.
La femme : C'est gentil. Mais.
L'homme : Ne restez pas au bord comme ça. Entrez. Il fait froid là où vous êtes. Allez. Ne réfléchissez pas trop. Vous serez tellement mieux à l'intérieur, croyez moi. Entrez. Ne restez pas là. Vous avez froid non ?
La femme : Oui.
L'homme : Mais oui. Entrez. (La femme entre) Il fait froid dehors. Je vais fermer la porte, vous serez bien ici. Je vais fermer la porte pour que le froid n'entre pas. Vous verrez. Vous serez bien. Dehors il fait froid. La nuit va tomber. Et puis vous êtes perdue, non ? Je vais fermer la porte. Pour que le vent n'entre pas. Et les volets. Je vais fermer les volets aussi. Pour que le froid reste dehors. Vous serez à l'abri ici. Entrez entrez. Je vais fermer la porte. A double tour. Et les verrous aussi. Je vais fermer les volets. Et les rideaux aussi. Pour que la nuit n'entre pas. Ajouter un cadenas ou deux peut-être. Pour que vous ne sortiez pas. Boucher les issues. Entrez entrez. Vous verrez, vous serez au chaud ici. Tout sera bien fermé. Et vous verrez, vous n'en sortirez plus jamais.
Photos de travail
Angélique Lyleire et Nicolas Cornille
Mise en scène, Écriture Aude Denis
Scénographie Johanne Huysman
Lumière Annie Leuridan
Musique Usmar
Jeu Lionel Bègue, Olivier Brabant, Nicolas Cornille, Gaëlle Fraysse, Florence Masure
Production Fred Rebergue
Communication Maelle Bodin
Production
Compagnie Par dessus bord
Co-production
Le Bateau Feu – scène nationale
Le Vivat - scène conventionnée
Soutien à la création
DRAC et Région Hauts-de-France